© Air France
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En plus du CO₂ , l’aviation a d’autres impacts sur le climat, regroupés sous le terme « effets non-CO₂ ». Ces effets résultent d’interactions complexes entre les émissions des avions et l’atmosphère. Ils sont principalement liés à la formation de trainées de condensation, et comprennent aussi l’émission d’oxydes d’azote et la modification des nuages par les suies.
L'évaluation de l'impact climatique de ces effets non-CO₂ présente encore beaucoup d'incertitudes, mais les derniers travaux scientifiques s’accordent à dire qu’ils ont un impact réchauffant significatif, surtout à court terme, du même ordre de grandeur que celui du CO₂. Air France est mobilisée pour identifier et mettre en œuvre les solutions permettant de réduire les effets non-CO₂, et ainsi minimiser l’impact climatique de ses vols.
Climaviation, action de recherche sur l’aviation et le climat
© Climaviation
Les derniers travaux scientifiques sur les effets cumulés des émissions passées de l’aviation de 1940 à nos jours, ont mis en évidence l’impact significatif des effets non-CO₂. Ceux-ci ont représenté les deux tiers du forçage radiatif de l’aviation en 2018, c’est à dire la perturbation de l’équilibre énergétique naturel de la Terre. L’évaluation de l’impact précis présente encore beaucoup d’incertitudes puisqu’il pourrait aller de la moitié à trois fois celui du CO₂.
The contribution of global aviation to anthropogenic climate forcing for 2000 to 2018, Lee et Al
© Lee et al. (2021)
Il est donc de la responsabilité du groupe Air France de réduire au maximum ses effets non-CO₂.
Les trainées de condensation sont responsables d’au moins 80% des effets non-CO2.
Les traces blanches qui se forment dans le ciel derrière les avions sont appelées trainées de condensation. Au passage de l’avion, lorsque l’atmosphère est suffisamment froide et humide, la vapeur d’eau contenue dans l’air se transforme en un nuage artificiel dont la formation est facilitée par la présence de particules de suies émises par les moteurs. Dans une atmosphère légèrement humide, ces trainées ont une durée de vie de quelques minutes et un impact climatique négligeable.
Trainée non persistante
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Lorsque l’atmosphère est sursaturée en humidité, les trainées vont persister et s’étendre jusqu’à former un voile nuageux, semblable aux cirrus naturels, qui peut durer une dizaine d’heures. Son impact sur le climat est double : un effet refroidissant grâce à la réflexion du rayonnement solaire, et un effet de serre, réchauffant.
La nuit, en l’absence de soleil, toutes les trainées persistantes sont réchauffantes.
Tous les vols n’ont donc pas le même impact : en fonction de l’heure de la journée, de la route suivie ou de la saison, l’impact d’une trainée de condensation peut être réchauffant, refroidissant ou neutre.
Trainées persistantes et cirrus
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Le groupe Air France s’est engagé dans plusieurs projets de recherche visant à améliorer la connaissance de ces phénomènes et à accélérer le déploiement des mesures de réduction des effets non- CO₂.
© IAGOS
Depuis 2013, en partenariat avec le CNRS, Air France participe à IAGOS, une infrastructure de recherche européenne. Air France a équipé un Airbus A330 de capteurs scientifiques qui mesurent les gaz à effet de serre et l’humidité à haute altitude dans l’atmosphère. Ces données rares sont transmises au CNRS et mises à la disposition des chercheurs du monde entier. Elles alimentent des études sur le changement climatique ou la composition de l’atmosphère.
Les prévisions météorologiques actuelles ne permettent pas d’anticiper avec suffisamment de précision les zones où les trainées de condensation persistantes vont se former sur la trajectoire d’un vol. Air France collabore depuis 2021 avec Météo France sur l’amélioration de la prévision de ces zones à risque.
Dans ce cadre, Air France a lancé le programme COOP (COntrail Observation Program) pour collecter des observations de traînées de condensation et les partager avec Météo France et d’autres organismes de recherche.
Exemple de prévision des zones à risque pour le 23 novembre à 15h – temps universel - Météo France
© Météo France
Le projet européen CICONIA combine une approche scientifique et opérationnelle afin de déterminer les solutions les plus efficaces pour réduire les effets non- CO₂, et déployer ces solutions à grande échelle. Il implique tout l’écosystème: organismes de recherche, services de météorologie, constructeurs d’avion, compagnies aériennes et contrôle aérien.
Pendant trois ans à compter de juin 2023, à la demande des organismes de recherche, et en collaboration avec le contrôle aérien, Air France apportera son expertise au projet, et fera des vols de validation des stratégies d’évitement des trainées de condensation.
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En plus de sa contribution à des projets de recherche, le groupe Air France étudie l’efficacité et la faisabilité des différentes solutions pour réduire les effets non- CO₂, et est entré en 2023 dans une phase d’expérimentations.
Un faible nombre de vols serait responsable de la majeure partie de l’impact climatique lié aux trainées de condensation. En 2019, à l’échelle mondiale, moins de 3% des vols étaient responsables de 80% de l’impact climatique lié aux trainées de condensation (Imperial College).
La détection de ces vols en amont permettra, dans le futur, de leur appliquer des solutions pour réduire leur impact climatique. Deux solutions potentielles sont à l’étude : les changements de trajectoire de vol et l’amélioration de la qualité du carburant. A ce jour, aucune n’est assez mature pour être déployée à grande échelle.
Une stratégie prometteuse consiste à modifier la trajectoire du vol pour éviter de créer des trainées de condensation réchauffantes. Cette solution génère, dans la majorité des cas, une surconsommation de carburant, et donc des émissions de CO₂ additionnelles.
Ces modifications de trajectoire ne seront mises en œuvre que si elles sont bénéfiques au global pour le climat. Elles nécessitent une prévision fiable des zones à risque climatique, mais aussi de comparer le bénéfice court terme lié à l’évitement de la trainée, à l’effet négatif long terme lié aux émissions de CO₂ supplémentaires.
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Cette solution posera également des défis lors de son implémentation, notamment dans un espace aérien de plus en plus saturé.
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Certains composants du carburant, appelés aromatiques, jouent un rôle dans la production de suies. En réduisant leur teneur dans le carburant fossile, ou en utilisant des carburants d’aviation durables (SAF) qui en sont naturellement dépourvus, on réduit la formation de suies, ce qui pourraient conduire à une réduction significative de la formation de trainées de condensation. L’utilisation de carburants d’aviation durables (SAF) a l’avantage de diminuer également les émissions de CO₂.
Le forçage radiatif ne donne pas directement l’équivalent CO₂ des effets non-CO₂ : pour estimer l’impact futur d’un vol sur le climat, il existe d’autres méthodes qui prennent en compte l’échelle de temps sur laquelle ces phénomènes agissent (des centaines d’années pour le CO₂, contre quelques heures à années pour les effets non-CO₂). Ces méthodes consistent à mesurer, pour un vol donné, d’ici 20, 50 ou 100 ans, la variation de température ou le bilan d’énergie de la Terre. Selon la méthode choisie, le poids des effets non-CO₂ par rapport au CO₂ varie beaucoup.
En utilisant le Potentiel de Réchauffement Global à 100 ans (appelé PRG100) qui est la méthode de référence choisie pour comparer les gaz à effet de serre entre eux dans les Accords de Paris, les effets non-CO₂ représenteraient environ la moitié (44%) de l’impact climatique total de l’aviation en 2018.
Ce choix, encore en discussion, est crucial pour bien comparer les effets non-CO₂ au CO₂, et prendre les bonnes décisions pour le climat. Il nécessitera un consensus scientifique et politique international. Mais quelle que soit la méthode choisie, l’impact des effets non-CO₂ sur le climat reste significatif.
La principale solution à court terme pour réduire les effets non-CO₂ est la modification des trajectoires pour éviter les zones propices à la formation de trainées de condensation. Mais cette solution n’est pas assez mature pour être déployée à grande échelle. Le risque principal est de mettre en œuvre des évitements inutiles qui pourraient être néfastes pour le climat. Air France est entrée dans une phase d’expérimentations pour évaluer et démontrer l’efficacité de ces solutions.
En 2023, en collaboration avec Météo France, Air France a expérimenté sur quatre vols européens et intercontinentaux, un processus d’évitement de trainées de condensation : la première étape est la prévision des zones de formation des trainées de condensation persistantes, la deuxième étape est l’étude de l’évitement des zones à risque dans la trajectoire de vol et l’exécution du vol, la dernière étape consiste à vérifier la pertinence de son action grâce à des images satellites.
Une nouvelle expérimentation de plus grande ampleur est prévue fin 2024, dans le cadre du projet européen CICONIA.
Les oxydes d’azote (aussi appelés NOx), sont formés à haute température lors de la combustion dans les moteurs. A faible altitude, ils dégradent la qualité de l’air et ont un effet sur la santé humaine. Emis à haute altitude, les NOx contribuent au réchauffement climatique en formant de l’ozone tandis qu’ils provoquent un effet refroidissant en détruisant du méthane atmosphérique.
En l’état actuel des connaissances scientifiques, sur la période 1940-2018, les NOx ont eu un effet réchauffant net, équivalent à la moitié du CO₂. Les interactions entre les NOx et le climat font toujours l’objet de recherches scientifiques : l’effet des NOx, qui dépend de la composition atmosphérique, pourrait être refroidissant dans le futur.
La réduction des émissions de NOx nécessite souvent de faire un compromis avec le CO₂ : c’est le cas par exemple des changements d’altitude de vol, ou de la conception des moteurs.